mardi 26 août 2008

Uşa urbană

Highslide JS


Retrouver cette première image. Revoir les choses
au travers d’un prisme déformant teinté de candeur…


La barrière s’est levée, les visages s'éclaircissent. On avait fini par ne plus y croire et pourtant nous voila enfin en Roumanie! Une bouteille d’eau de vie passe de siège en siège. On est à la maison! Silence de mort et tensions nerveuses sont restés à la frontière. Une agitation joviale règne désormais dans le bus bondé. On essuie la buée pour coller son nez à la fenêtre. Les yeux brillants, on observe le paysage que l’on avait ignoré jusqu'alors. Les choses ont-elles changé depuis la dernière fois? Reconnaît-on ce monde qui est le nôtre et va-t-il nous reconnaître? Sentiment que l'apprenti touriste ne peut, bien entendu, pas comprendre. Pourtant, une douce allégresse m'envahit, moi aussi.

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Le bus fonce sur les routes défoncées au milieu d'étendues infinies grisâtres. Le ciel cotonneux de décembre commence à s'assombrir. On ne distinguera bientôt plus grand-chose. Texture de neige et de boue. Des chiens errants se disputent un sac de détritus. Le long de la nationale, silhouettes estompées, un groupe de femmes avance tête baissée. Imperturbables, elles ne s'inquiètent nullement des voitures qui les frôlent. De gros flocons tombent lentement entre chien et loup. Sur le bord des champs délaissés, se succèdent des panneaux publicitaires rouillés: Malboro, Smirnoff, Gin etc. Ici, la promotion de l’alcool et des cigarettes n’est pas prohibée!

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A l’entrée des villes, enfilades de bâtiments délabrés construits sur le même modèle. Les petits balcons vitrés sur lesquels les gens entassent généralement objets divers et plantes vertes, servent éventuellement de garde-manger. A cette période de l'année, la ville s'est parée de guirlandes et enjolivures électriques pour les fêtes. Le matériel est un peu archaïque. Ça pendouille au-dessus des voitures et quelques ampoules sont grillées. Chacun y est allé de sa décoration. Petits kiosques à journaux, bars, places publiques ou grands magasins, tous les bâtiments de la ville doivent offrir un peu de lumière.

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Et puis terminus, tout le monde descend ! Le bus s’arrête à proximité de la gare. Les deux pieds dans la neige, une sensation inoubliable m'envahit. Le doute, le doute d'une supercherie. Je me remémore le trajet. Les choses avaient peut-être basculé en sortant d'Autriche… En Hongrie, à moitié dans les vapes, j’avais déjà cru percevoir quelques bizarreries … Et puis, je m’étais endormie. Le réveil avait été un peu brutal. Les lumières s’étaient allumées dans le véhicule. Les passagers s'étaient mis à gesticuler. Les regards se croisaient. La pression montait. Il fallait montrer ses papiers. Assommée par les heures d’attente et influencée par le stress collectif, j'avais suivi le mouvement sans me poser de question. J’attendais, je ne sais quoi au milieu d'une foule d’inconnus. Le bus était reparti et le spectacle avait alors commencé. D’abord doucement, comme un réveil. Espaces vides infinis, des silhouettes qui se déchirent dans le soir... Je revois ces femmes emmitouflées dans leurs foulards. Sur l'un des visages, un regard malicieux... m’aurait-elle souri? Un clin d’œil? Un avertissement? Durant mon sommeil, le bus aurait-il emprunté un petit chemin épineux bordé de mûriers et de framboisiers?

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Devant la gare , des femmes aux robes rouges et aux longues nattes tournent comme des fleurs. Elles proposent au passant des objets hétéroclites. Vieilles chaussures, ustensiles de cuisine usagés, bouteilles en plastique vides. A leurs pieds s’entassent de petits chiots dans une boîte en carton. Un homme entre dans la gare, une table accrochée dans le dos et une grosse scie rouillée sous le bras. Dans le hall, un vieux fait la queue au guichet. Il jette des regards anxieux sur son bagage laissé en retrait: des cages superposées dans lesquelles piaillent des volailles affolées. Et ces enfants qui courent à moitié nu dans la neige. Ils déposent devant la porte d’un magasin un cadavre de chien. Ils demanderont quelques pièces à la vendeuse pour la débarrasser de la dépouille. Sur le quai, deux personnes trinquent joyeusement une bouteille de «Murfatlar» à la main. Ils viennent de l'acheter dans l'un de ces petits kiosques que l'on trouve un peu partout et qui me deviendront familier par la suite. Bonbons, journaux, gâteaux apéritifs, cafés, «covrigi», graines de tournesols, briquets, croissants, allumettes, sodas, boissons alcoolisées etc. De véritables cavernes d’Ali Baba! Une envie de pop-corn vous surprend à trois heures du matin? Vous descendez dans la rue, vous faites tout au plus trente mètres et vous trouvez votre bonheur. Même de loin, vous reconnaîtrez facilement ces petits magasins préfabriqués aux mosaïques multicolores. Ils proposent en devanture tout un panel de cigarettes. Ne vous fiez pas aux apparences. Tristes cartes postales que les médias ont bien voulu nous envoyer de l'Est, les choses qui s'animent, dévoilent des secrets. Au fond de l'air vous entendrez siffler le tourbillon de la vie! Plus tard, j'apprendrai à me familiariser avec ces agglomérations. Dans certaines, même, des chantiers à l’abandon, des montagnes de déchets, des rues défoncées, des égouts qui débordent et la misère qui se traine. Et pourtant, privilège ou non de l’étranger candide, ce n’est pas ce qu'il retient.


Cette peinture, début XXIème, aux couleurs criardes, vous surprend d’abord par son ambiance burlesque et contrastée. Pans de modernité sur bases vétustes, nouvelles technologies et croyances ancestrales. Cette société à deux vitesses vous offre des situations parfois comiques, parfois attendrissantes, parfois déroutantes. Prenez un taxi. De la voiture dernier cri à la Dacia 1100, chapelets et pompons rouges au rétroviseur, icônes et Vierges en plastiques sur le tableau de bord. Une affiche indique que le port de la ceinture est désormais obligatoire mais le chauffeur, lui, ne l'a pas bouclée. Sur la nationale, coups de klaxon et accélérations fulgurantes, on double en trombe les charrettes. Chevaux lancés au grand galop ou bœufs placides, les automobilistes doivent slalomer. On passe devant une église, le chauffeur se signe trois fois puis injurie le piéton qui voulait traverser. Devant un McDo, un groupe de jeunes habillés à la dernière mode échangent leurs numéros de portables. Ils viennent sans doute de payer leur abonnement ou de recharger leur carte chez Connex, Orange ou Vodaphone. Sur le trottoir d’en face, des vieilles, bien au chaud dans leur vêtements de laine sont venues vendre au marché des plantes médicinales et aromatiques, des sacs de noix, des graines de tournesols et de citrouilles, des pommes de terres et des navets. Les grands supermarchés commencent à fleurir mais la «piaţă» garde tout de même une place centrale dans les petites villes.

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Et les Rroms ? Au début, j’étais intriguée par ces femmes aux jupes bariolées qui braillent dans les rues, les moustachus au grand chapeau noir, les charrettes bourrées de marmaille et de musiciens... «Ce sont des Ţigani» me précisa, un jour, un ami qui semblait me plaindre de tant de naïveté. Les tensions ''Romano-Rroms'', représentent toujours une réalité sociale. Je n'aborderai pas le sujet. Je connais trop peu le monde Rrom et laisse les spécialistes en parler. Je me permets cependant de terminer ce billet avec un extrait tiré du texte de M. HOULIAT Bernard1. Légendes multiples et farfelues, elles entretiennent le mélange de crainte et de fascination que l'on a pour les Rroms.


« Les ancêtres des Rroms ont libérés le soleil que les dragons séquestraient quelque part au bout du monde. Grâce à eux, l’humanité reçut de la lumière. Peut-être les Rroms sont-ils venus de la Lune ou ont-ils débarqué d’un météore ? A moins qu’ils ne soient le fruit des amours d’Adam avec une autre femme, qu’il aurait connue bien avant Eve et le péché originel.

Ils sont aussi les descendants de tous les peuples dont les pas se sont un jour effacés, ces peuples-énigmes qui nourrissent l’imaginaire et les spéculations les plus loufoques. Ils sont les tribus d’Israël dont on a perdu les traces après leur captivité à Babylone, les descendants du Chur ou de Canaan, tous deux fils de Cham. Voltaire nous apprend qu’ils sont Egyptiens et les héritiers des prêtres d’Isis. Rescapés aussi de l’Atlantide et de bien d’autres contrées légendaires englouties dans des passions telluriques.
Le dénominateur commun à toutes ces légendes est que les Roms ont survécu, seuls témoins de quelque chose qui dépasse notre entendement. Voilà bien une des qualités profondes de ce peuple, affirmée au fil des siècles : la faculté de survivre.
Et s’ils ont échappé à tous ces cataclysmes, ce n’est, dit la légende, que pour expirer une faute originelle : l’un des leurs a forgé les clous de la croix du Christ. D’autres ont volé un clou de la même croix. Ce qui leur vaut d’être condamnés à l’errance et à l’abjection jusqu’à la fin des temps.
Une autre légende rapporte qu’Hérode ayant fait encerclé Jérusalem pour que l’Enfant Jésus ne puisse y pénétrer, une vieille Tsigane accepta de le faire passer en cachette dans son panier. Pour la récompenser, elle et sa descendance, Dieu permet depuis lors à tous les Tsiganes de dérober jusqu’à l’équivalent de cinq sous par jour, ce qui ne serait pas considéré comme du vol. Au dessus de cinq sous commencerait le péché.
»


1Tsiganes en Roumanie, HOULIAT Bernard (Texte), SCHNECK Antoine (Photographies), Éditions du Rouergue, 1999

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mercredi 6 août 2008

Un Papour de 6 août

Highslide JS

Ouvrir un Blog. Une angoisse à dépasser.
Appuyer pour la première fois sur la touche ‘’publier’’. Un clic et la terre entière a accès à toutes les informations que vous avez cru bon, un jour, de diffuser. Lire vos idioties du moment, utiliser vos images, vos textes, souligner vos fautes d’orthographes, envoyer des commentaires, déclarer haut et fort « cette personne n’est pas digne d’ouvrir un Blog ! ». Voilà ce dont sont capables les liseurs du Net ! C’est un risque à prendre…

Les premiers temps, j’avoue avoir été sujette à quelques crises d’angoisses. Devenue insomniaque, je me relevais la nuit pour relire une vingtième de fois mes billets. Je corrigeais, j’hésitais, je gommais, je récrivais puis je republiais.
Une semaine passait et l’épuisement m’accablait. A ce rythme, c’était la perte assurée si je n’avais pas décidé de confier mon problème à un spécialiste, génie de l’informatique.
Site, Blogs, Forums, mon papa était maître en la matière : « l’Informatique est un merveilleux moyen de communication qui doit se conjuguer avec partage ! ».
Pour lui, l’envoi d’un message n’est qu’une affaire de clic et jamais sa main ne tremble quand il s’agit d’appuyer sur la touche « publier ».
Aujourd’hui, toujours à ses côtés, j’apprends à éditer mes billets avec un peu plus de sérénité. L’idée d’envoyer un message à travers le monde Internet-galactique ne me panique presque plus.
D’ailleurs preuve de ma guérison, je décide d’utiliser ce fantastique moyen de communication pour souhaiter, face à la terre entière, un très Joyeux Anniversaire à mon petit Papour !

Et comme « Anniversaire » rime souvent avec « Cadeau », voici celui que j’ai trouvé derrière la porte dans la pendule…

Il était une fois, une petite maison au cœur de la campagne.
Si les meuleuses, perceuses, scies sauteuses, tondeuse à gazon, et autres moteurs réservent leur fanfare aux étendues urbaines, dans ce petit coin de nature la musique se fait douce et subtile. Des vaches qui ruminent dans le silence de l’été. Les longues barbes de l’orge qui sifflent dans le vent. Le bourdonnement des insectes dans les champs fleuris. Le léger craquement des branches sous les grappes de fruits. Rien de moins doux ne sonnera à votre oreille.
A l’ombre des tilleuls vous aimez vous installer. Le vent chaud de l’été murmure dans les feuillages. Petit coin de lumière tamisée, cet endroit est idéal pour les heures de lecture et d’écriture. Vous n’êtes d’ailleurs pas le seul de cet avis. Quelques ronds de jambe, un ronronnement en guise de salutation. Sur vos pieds ou sur la table, puisque sur votre livre c’est interdit, le gros chat chartreux s’installe pour la sieste.
Ce n’est qu’en fin d’après-midi, quand vous décidez de vous lever, qu’il daigne, lui aussi, se bouger. A ce moment de la journée, l’air est agréable. Le foin coupé, qui sèche dans les près, répand son odeur suave de miel. Vous partez admirer les fleurs et les arbres qui vous récompensent, enfin, de vos soins attentifs. Drapé de mousseline émeraude, brodé de pourpres et d’orangés, parures de fruits vernis et coiffe d’hortensias mauves, Dame Nature est rayonnante ! Bientôt, il faudra commencer la taille et rentrer tout ce petit monde à l’abri dans le jardin d’hiver. Derrière les grandes baies vitrées ce concentré d’été, viendra colorer les pâles après-midi de janvier. Mais pourquoi cette nostalgie ? La belle saison n’est pas encore terminée ! Demain c’est le 6 août et pour cette belle occasion, famille et amis se réunissent. A l'ombre des arbres fruitiers, on dresse la table dès la fin de matinée. Assiettes de porcelaine, couverts en argent, les verres, du plus petit jusqu’au plus grand, brillent sous les rayons du soleil. Ocre, rosé et rouge vermeil les vins présentent, eux aussi, leurs robes les plus belles. Le repas s'étendra jusqu'au soir. En ces journées, de dimanche à la campagne, le dîner et le souper se donnent la main pour une ronde de bonne humeur.
Au calme de la nuit, vous vous installez au pied du vieux saule. Drap de satin pailleté, et poudre dorée, les astres vous offrent leur spectacle d’été. Embrassées par la tiède moiteur qui ressort de la terre et des écorces, vos paupières se ferment doucement. C’est à cette heure de la nuit que la nature exhale ses doux parfums d’amour.
Témoin dissimulé, vous entendrez peut-être cette étrange histoire : « Peggy la libellule, commère des roseaux la narrait à Lucy la luciole, midinette des près » …

Tous mes souhaits de Bonheur, mon petit Papour. JOYEUX ANNIVERSAIRE. Je t’embrasse très très très FORT. Merci d’être ce que tu es.

Caroline