Le merisier ou ‘‘cerisier doux’’ qui donne des fruits fermes et sucrés comme les Bigarreaux ou les Guignes. Le griottier ou ‘‘cerisier acide’’ dont les fruits plus mous sont acides, pour les griottes, voire acidulés, pour les anglaises. Il existe environ une trentaine de variétés cultivées dans l’hexagone Pour faire plus simple, on parle généralement de ‘‘cerises douces’’ à manger directement sur l’arbre et de ‘‘cerises acides’’ très bonnes en tartes, bocaux ou confitures. Dans les deux cas: «Ce sont des cerises !». En tout cas, c’est ce que je croyais…
Râteaux et faux sur l’épaule, nous partions à la fraîche sur le petit sentier, celui de derrière la maison: activité commune pour tout le village. C’était la période de fauchage. Le ciel bleu immaculé laissait au soleil toute la joie de s’exprimer. La journée s’annonçait caniculaire. Nous enjambions les barrières de bois qui délimitent le terrain en parcelles et dans notre promenade, nous traversions des vergers. Hautes herbes, lumières tamisées. Quelle douce fraîcheur à l’ombre des feuillages ! Quand, en passant sous de beaux arbres lourds de fruits, je m’exclame: «Oh, des cerises !». Silence général et enfin les moqueries qui fusent…
Je suis taxée de ‘‘citadine’’ ou de ‘‘française’’ (en roumain, les deux mots sont synonymes…), incapable de faire la différence entre une pomme et une poire ou entre des cerises («cireşe») et des «vişine» (par respect pour mes amis roumains, je ne traduirai pas ce dernier mot par ''cerises'' griottes).
Pourtant, moi, j’en étais sûre. Quand j’étais petite, la ‘‘tante Hélène’’ prévenait toujours ma grand-mère à cette époque de l’année : «Passez donc avec les cocottes pour cueillir des cerises aigres, les oiseaux les mangent sur l’arbre!». Et bien les cerises de la tante Hélène ressemblaient trait pour trait à leurs «vişine» ! Qu’on me traite de ‘‘citadine’’, passe encore (y’a du vrai…), mais accuser la tante Hélène de ne pas savoir faire la différence entre une pomme et une poire, c’est outrepasser les limites du respect!
Dans un silence absolu je ratissais ma ligne d’herbe. Il ne fallait garder le rythme. Devant nous, les hommes fauchaient, derrière, chacune sur un rang, les femmes amassaient l’herbe, progressant jusqu’aux trois piquets de bois dressés en cône pour former la «Căpiţă». J’observais, admirative ces petites grand-mères aux yeux rieurs, toujours bavardes, porter sur leur dos des tas d’herbe trois fois haut comme elles. Les mains arrachées, les bras en compote, j’étais fière d’avoir appartenu, le temps d’une journée, à leur groupe. Derniers coups de râteaux pour consolider la «Căpiţă», nous partions rejoindre les ‘‘faucheurs’’ déjà installés à l’ombre, un verre de «ţuică» à la main…
Installée dans ce petit Paradis au cœur d’un verger, je regarde briller "Dame Eté" et sa parure de rubis. Cerises ou «vişine», peu importe, en croquant dans cette chair vernissée me voilà transportée dans un petit jardin du nord-est de la France. Perchée sur l’escabot je lance les fruits par poignées dans le panier tenu par ma sœur. Plus haut, dans le potager, mamie et tante Hélène commentent la croissance des salades…
Puisque c’est à cette période que les cerises, premiers fruits de l’année, sont cueillies, le mois de juin est également appelé, dans la tradition roumaine, «Cireşar» ou «Cireşel» (cireşe = cerises). Au mois de juin, les jours sont les plus longs et le ‘‘temps calendaire’’ parallèlement à la végétation arrive à maturité. Les besognes sont diverses: bécher et enterrer les pommes de terres, faucher et mettre l’herbe à sécher, commencer les travaux de moisson, cueillir les herbes médicinales et les premiers fruits des bois. Dans les régions d’activités pastorales, les bergers et leurs troupeaux occupent les vastes prairies pour la «vărat» («vară» = été ; a văra = passer l’été, faire paître)… Pourtant, aussi prometteur que puisse paraître ce premier mois de l’été, aucune certitude concernant les futures récoltes. Un orage, des rafales de vents, des pluies torrentielles accompagnées parfois de grêle peuvent dévaster les champs cultivés ou les vignes.
En roumain, «sânziană» ou «drăgaică» (sud de la Roumanie) qualifie une plante herbacée vivace que l’on connaît, chez nous, sous l’appellation de Gaillet mollugine. Quelques variétés de Gaillets sont également appelées «caille-lait», du fait de la présence d'une enzyme permettant de faire cailler le lait. Dans la tradition populaire roumaine, le nom de cette rubiacée est également celui d’une divinité protectrice des blés et des femmes mariées. Née le jour de l’équinoxe de printemps (le 9 mars selon le calendrier julien) et de la mort de Baba Dochia, «Sânziană» ou "Drăgaică " grandit de façon miraculeuse et atteint sa maturité au solstice d’été (le 24 juin du calendrier grégorien). C’est également à cette époque de l’année que notre Gaillet mollugine donne de petites fleurs blanches. La légende explique qu’en cette journée de solstice d’été, «Sânziană» marche sur la Terre ou vole à travers champs et forêts, accompagnée d’un cortège de jeunes fées. La danse effectuée par cette jolie troupe aurait un pouvoir bénéfique.
Dans la tradition populaire roumaine, la divinité agraire est représentée symboliquement par une couronne de «sânziană» et d’épis de blé. Cette effigie, aux pouvoirs miraculeux, est souvent portée par une jeune fille lors d’une cérémonie appelée «Dansul Drăgacei» (la danse de Drăgaică). La couronne peut être accrochée à la fenêtre, sur le portail, à l’entrée du village ou du cimetière pour protéger les hommes, les animaux et les récoltes des désastres naturels. Les coutumes diffèrent bien sûr selon les zones ethnographiques. La couronne est parfois lancée par dessus le toit de la maison ou de la grange. Selon la façon dont elle retombe ou reste accrochée sur le toit, les villageois peuvent prédire l’avenir. Va-t-on vivre en bonne santé cette année? La mort est-elle proche? Pauvreté richesse dans le foyer? La fille de la maison va-t-elle se marier?
Une autre divinité, masculine cette fois-ci, qui marque dans le calendrier populaire le milieu de l’été agraire et la période des moisson: «Sânpetru de Vară» (Sânpetru d’Eté). Dans le calendrier chrétien, nous le retrouvons sous le nom du Saint Apôtre Pierre. L’image populaire le montre comme un homme ordinaire qui travaille les champs, élève des animaux et s’occupe à la pêche. Son frère, «Sânpetru de Iarnă» (Sânpetru d’Hiver) est considéré comme le patron des loups. Homme très croyant, besogneux et exemplaire, «Sânpetru» est appelé par Dieu au ciel et prend la responsabilité des portes et des clefs du Paradis. A l’occasion des Grandes Fêtes, à Noël, au Réveillon, à l’Epiphanie, pour «Sângiorz» ou «Sânziene», il est possible de l’apercevoir, le ciel s’ouvrant un court instant, on le voit à table, à la droite de Dieu. Sânpetru est le Saint le plus connu du Calendrier populaire. Célébré le 29 juin, sa fête est précédée d’un «post» (jeûne) dont le nombre de jours peut varier. A l’époque, on considérait certains repères cosmiques et terrestres comme annonciateurs de cette fête: le retour entre autres de la constellation "Găinuşei", l’arrêt du chant du coucou, l’apparition des lucioles...
Cinquante jours après Pâques, «Rusaliile» est une fête très importante du calendrier chrétien. Elle doit commémorer la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres. Dans la tradition populaire «Rusaliile» sont des femmes qui grâce aux plantes médicinales peuvent soigner toutes sortes de maladies. Armées jusqu’aux dents, elles punissent sévèrement toutes les personnes qui oseraient travailler durant la semaine. Le lundi qui suit le dimanche des «Rusalii» est réservé aux morts et des repas sont organisés en leur mémoire.
Durant le mois de juin et spécialement en cette semaine de «Rusalii», apparaissent également, dans certaines zones ethnographiques, les «Căluşari». La troupe de jeunes danseurs, s’est constituée selon des règles strictes et une hiérarchie bien déterminée. Le principe de base, pour ces jeunes gens tout habillés de blanc est de représenter la solidarité du village, prenant pour référence la fameuse devise «tous pour un et un pour tous». Le groupe, comme entité construite, représente la collectivité entière, et comme chaque maison est une entité de la communauté, chaque foyer sera visité !
Des colliers de «visine» en parure, des couronnes fleuries pour prévenir les intempéries, un Saint paysan dont la fête fait taire le coucou, des herboristes "en herbes" et leurs pouvoirs de guérison, de jeunes garçons qui dansent pour le retour de l’Eté … C’est sûr, vos mois de juin ne seront plus jamais les mêmes !
Râteaux et faux sur l’épaule, nous partions à la fraîche sur le petit sentier, celui de derrière la maison: activité commune pour tout le village. C’était la période de fauchage. Le ciel bleu immaculé laissait au soleil toute la joie de s’exprimer. La journée s’annonçait caniculaire. Nous enjambions les barrières de bois qui délimitent le terrain en parcelles et dans notre promenade, nous traversions des vergers. Hautes herbes, lumières tamisées. Quelle douce fraîcheur à l’ombre des feuillages ! Quand, en passant sous de beaux arbres lourds de fruits, je m’exclame: «Oh, des cerises !». Silence général et enfin les moqueries qui fusent…
Je suis taxée de ‘‘citadine’’ ou de ‘‘française’’ (en roumain, les deux mots sont synonymes…), incapable de faire la différence entre une pomme et une poire ou entre des cerises («cireşe») et des «vişine» (par respect pour mes amis roumains, je ne traduirai pas ce dernier mot par ''cerises'' griottes).
Pourtant, moi, j’en étais sûre. Quand j’étais petite, la ‘‘tante Hélène’’ prévenait toujours ma grand-mère à cette époque de l’année : «Passez donc avec les cocottes pour cueillir des cerises aigres, les oiseaux les mangent sur l’arbre!». Et bien les cerises de la tante Hélène ressemblaient trait pour trait à leurs «vişine» ! Qu’on me traite de ‘‘citadine’’, passe encore (y’a du vrai…), mais accuser la tante Hélène de ne pas savoir faire la différence entre une pomme et une poire, c’est outrepasser les limites du respect!
Dans un silence absolu je ratissais ma ligne d’herbe. Il ne fallait garder le rythme. Devant nous, les hommes fauchaient, derrière, chacune sur un rang, les femmes amassaient l’herbe, progressant jusqu’aux trois piquets de bois dressés en cône pour former la «Căpiţă». J’observais, admirative ces petites grand-mères aux yeux rieurs, toujours bavardes, porter sur leur dos des tas d’herbe trois fois haut comme elles. Les mains arrachées, les bras en compote, j’étais fière d’avoir appartenu, le temps d’une journée, à leur groupe. Derniers coups de râteaux pour consolider la «Căpiţă», nous partions rejoindre les ‘‘faucheurs’’ déjà installés à l’ombre, un verre de «ţuică» à la main…
Installée dans ce petit Paradis au cœur d’un verger, je regarde briller "Dame Eté" et sa parure de rubis. Cerises ou «vişine», peu importe, en croquant dans cette chair vernissée me voilà transportée dans un petit jardin du nord-est de la France. Perchée sur l’escabot je lance les fruits par poignées dans le panier tenu par ma sœur. Plus haut, dans le potager, mamie et tante Hélène commentent la croissance des salades…
Puisque c’est à cette période que les cerises, premiers fruits de l’année, sont cueillies, le mois de juin est également appelé, dans la tradition roumaine, «Cireşar» ou «Cireşel» (cireşe = cerises). Au mois de juin, les jours sont les plus longs et le ‘‘temps calendaire’’ parallèlement à la végétation arrive à maturité. Les besognes sont diverses: bécher et enterrer les pommes de terres, faucher et mettre l’herbe à sécher, commencer les travaux de moisson, cueillir les herbes médicinales et les premiers fruits des bois. Dans les régions d’activités pastorales, les bergers et leurs troupeaux occupent les vastes prairies pour la «vărat» («vară» = été ; a văra = passer l’été, faire paître)… Pourtant, aussi prometteur que puisse paraître ce premier mois de l’été, aucune certitude concernant les futures récoltes. Un orage, des rafales de vents, des pluies torrentielles accompagnées parfois de grêle peuvent dévaster les champs cultivés ou les vignes.
En roumain, «sânziană» ou «drăgaică» (sud de la Roumanie) qualifie une plante herbacée vivace que l’on connaît, chez nous, sous l’appellation de Gaillet mollugine. Quelques variétés de Gaillets sont également appelées «caille-lait», du fait de la présence d'une enzyme permettant de faire cailler le lait. Dans la tradition populaire roumaine, le nom de cette rubiacée est également celui d’une divinité protectrice des blés et des femmes mariées. Née le jour de l’équinoxe de printemps (le 9 mars selon le calendrier julien) et de la mort de Baba Dochia, «Sânziană» ou "Drăgaică " grandit de façon miraculeuse et atteint sa maturité au solstice d’été (le 24 juin du calendrier grégorien). C’est également à cette époque de l’année que notre Gaillet mollugine donne de petites fleurs blanches. La légende explique qu’en cette journée de solstice d’été, «Sânziană» marche sur la Terre ou vole à travers champs et forêts, accompagnée d’un cortège de jeunes fées. La danse effectuée par cette jolie troupe aurait un pouvoir bénéfique.
Dans la tradition populaire roumaine, la divinité agraire est représentée symboliquement par une couronne de «sânziană» et d’épis de blé. Cette effigie, aux pouvoirs miraculeux, est souvent portée par une jeune fille lors d’une cérémonie appelée «Dansul Drăgacei» (la danse de Drăgaică). La couronne peut être accrochée à la fenêtre, sur le portail, à l’entrée du village ou du cimetière pour protéger les hommes, les animaux et les récoltes des désastres naturels. Les coutumes diffèrent bien sûr selon les zones ethnographiques. La couronne est parfois lancée par dessus le toit de la maison ou de la grange. Selon la façon dont elle retombe ou reste accrochée sur le toit, les villageois peuvent prédire l’avenir. Va-t-on vivre en bonne santé cette année? La mort est-elle proche? Pauvreté richesse dans le foyer? La fille de la maison va-t-elle se marier?
Une autre divinité, masculine cette fois-ci, qui marque dans le calendrier populaire le milieu de l’été agraire et la période des moisson: «Sânpetru de Vară» (Sânpetru d’Eté). Dans le calendrier chrétien, nous le retrouvons sous le nom du Saint Apôtre Pierre. L’image populaire le montre comme un homme ordinaire qui travaille les champs, élève des animaux et s’occupe à la pêche. Son frère, «Sânpetru de Iarnă» (Sânpetru d’Hiver) est considéré comme le patron des loups. Homme très croyant, besogneux et exemplaire, «Sânpetru» est appelé par Dieu au ciel et prend la responsabilité des portes et des clefs du Paradis. A l’occasion des Grandes Fêtes, à Noël, au Réveillon, à l’Epiphanie, pour «Sângiorz» ou «Sânziene», il est possible de l’apercevoir, le ciel s’ouvrant un court instant, on le voit à table, à la droite de Dieu. Sânpetru est le Saint le plus connu du Calendrier populaire. Célébré le 29 juin, sa fête est précédée d’un «post» (jeûne) dont le nombre de jours peut varier. A l’époque, on considérait certains repères cosmiques et terrestres comme annonciateurs de cette fête: le retour entre autres de la constellation "Găinuşei", l’arrêt du chant du coucou, l’apparition des lucioles...
Cinquante jours après Pâques, «Rusaliile» est une fête très importante du calendrier chrétien. Elle doit commémorer la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres. Dans la tradition populaire «Rusaliile» sont des femmes qui grâce aux plantes médicinales peuvent soigner toutes sortes de maladies. Armées jusqu’aux dents, elles punissent sévèrement toutes les personnes qui oseraient travailler durant la semaine. Le lundi qui suit le dimanche des «Rusalii» est réservé aux morts et des repas sont organisés en leur mémoire.
Durant le mois de juin et spécialement en cette semaine de «Rusalii», apparaissent également, dans certaines zones ethnographiques, les «Căluşari». La troupe de jeunes danseurs, s’est constituée selon des règles strictes et une hiérarchie bien déterminée. Le principe de base, pour ces jeunes gens tout habillés de blanc est de représenter la solidarité du village, prenant pour référence la fameuse devise «tous pour un et un pour tous». Le groupe, comme entité construite, représente la collectivité entière, et comme chaque maison est une entité de la communauté, chaque foyer sera visité !
Des colliers de «visine» en parure, des couronnes fleuries pour prévenir les intempéries, un Saint paysan dont la fête fait taire le coucou, des herboristes "en herbes" et leurs pouvoirs de guérison, de jeunes garçons qui dansent pour le retour de l’Eté … C’est sûr, vos mois de juin ne seront plus jamais les mêmes !
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