lundi 2 juin 2008

Ciobanul-cu-caprele

Highslide JS


Pe munte …


Si j’avais été un garçon, j’aurais été berger! Comme cinquante pourcent des adolescents, j’ai moi aussi, un jour, nourrit le rêve de me retirer dans les montages pour y élever des chèvres ou des moutons, habiter dans une cahute de bois, et apprendre à vivre en harmonie avec la Nature… Cependant, il est toujours préférable, avant de se lancer, de mettre en pratique les belles théories. Une expérience très courte de quatre jours dans un cabanon au cœur des Carpates, peut d’ailleurs remettre rapidement les idées en place…

Le premier jour, bien sûr, vous faites le malin. Les bras croisés derrière la tête, une herbe au coin des lèvres, vous pensez, persifleur : « Et dire qu’en bas, il y a des fous qui se stressent toute la journée au bureau !!! »


Le deuxième jour, les yeux quelque peu boursouflés, vous êtes réveillé part le froid à six heures du matin. Cependant, pas mécontent d’être là au beau milieu des montagnes, vous vous étirez en admirant le paysage: «Et dire qu’à cette heure de la journée, il y a des cinglés qui s’énervent dans les embouteillages ».

Le troisième jour, profitant d’une éclaircie entre deux averses, vous vous promenez d’un pas exagérément enjoué en vous répétant: «Et dire qu’il y a des gens qui vivent dans des cités bétonnées … ». Quand en fin de journée, vous vous exclamez pour la 25ème fois : «Qu’est-ce que c’est beau !!! » on pourrait presque croire que vous cherchez à vous convaincre… Puis arrive le fatidique quatrième jour.

En fin de matinée, terrassé par l’ennui, vous décidez de partir en promenade à la découverte de nouveaux sentiers. Un brin d'inconscience. Vous choisissez l’itinéraire de gauche après la cascade. C’est celui qui mène au premier village. Vous vous abusez en vous racontant que vous trouverez sans doute un petit chemin vous permettant de faire la boucle, mais les yeux écarquillés (il faut dire que ça fait trois nuits que vous dormez à peine), les oreilles grandes ouvertes et les narines dilatées, vous êtes à l’affût du moindre mouvement, du plus petit bruit, d’une odeur, même, qui pourrait vous indiquer la présence d’âme qui vive. Echanger un sourire, un mot, une phrase et puis même, si on insiste, cracher sur les montagnes... mais surtout le faire à deux !!!! A cette pensée, vous accélérez sensiblement le pas. Et puis enfin, longeant un ruisseau, rencontre providentielle, vous tombez sur une petite vieille qui remplit sa gourde. Vous n’êtes pas encore arrivé à sa hauteur qu’elle commence à marmonner quelques paroles. Vous n’avez pas très bien entendu et le «roumain des montagnes» semble plutôt différent de celui que vous avez appris à l’Université… Cependant, la grand-mère s’agite en montrant le ciel qui s’obscurcit, vous en déduisez que le sujet doit porter sur le temps. Vous vous ressaisissez alors et baragouinez quelques mots à votre tour mais, anxieux, vous attendez les conséquences de votre réplique. La grand-mère vous regarde un peu perplexe, mais après un court silence, reprend la conversation avec le même entrain. Vous voilà soulagé. Votre réponse devait tout de même tenir la route. Il vous semble maintenant qu’elle parle d’une fête religieuse qui doit se tenir aujourd’hui au village. Malheureusement pour vous, l’accentuation de sa phrase indique qu’elle vous adresse désormais une question … Le problème c’est que vous n’avez pas tout à fait saisi cette question… Le trop facile «da, da » (oui…oui) ne pourra, ce coup-là, pas vous sauver. Vous sentez bien qu’il faut, cette fois-ci, lui fournir une réponse un peu plus élaborée… Un peu paniqué (mais vous ne montrez rien) vous essayez de visualiser mentalement le calendrier orthodoxe : « Quel foutu Saint Patron peut-on bien célébrer à cette époque de l’année ? » Vous tentez alors le tout pour le tout et sortez un truc… un truc sans doute terrifiant pour une petite vieille venue remplir sa gourde au ruisseau. Elle ouvre grand les yeux, se signe trois fois et trace la route.

J’abrège, en précisant que le clou final est prévu pour le soir. Parvenu au village, détrempé, vous vous offrez le luxe d’aller prendre un Coca au bistro (il vous restait justement trois pièces dans la poche, que vous imaginiez symboliques au départ) et même d’aller aux toilettes. Malheureusement (ou heureusement) vous croisez votre image dans un petit miroir cloué sur la porte des W.C. Les sourcils en broussailles, les cheveux en bataille, c’est un peu le remake de Gorilles dans la brume. A force de copiner avec ses monstrueux singes, Dian Fossey avait fini par leur ressembler. Quatre jours dans les montagnes, et vous, c'est au Yéti... Non seulement ce séjour n’a duré que très peu de temps mais en plus de ça, vous n’aviez pas la responsabilité de stupides chèvres ou moutons qui n’écoutent rien. Résigné et épuisé vous achèverez cette expérience en déclarant : «Après tout, berger, ce n’est un boulot de bonnes femmes !!! » Vous renforcerez vos conclusions, en repensant à Baba Dochia qui voulant changer l’ordre naturel des choses est restée pétrifiée sur les sommets !!! (rf : billet Baba Dochia)

Employant, à bon escient, le conditionnel passé, je reprends donc: «Si j’avais été un garçon, j’aurais été berger !!! ». Mais pas n’importe quel berger, un véritable «Cioban» comme celui que vous voyez sur l’illustration. Appuyé sur son bâton, il n’a pas bougé depuis des heures. Impassible, il observe son troupeau qui, frénétique, arrache les premières herbes tendres du printemps. Telle une «Căpiţă» (tas, meule de foin), accoutré de sa peau de mouton «Blană», les froids mordants et les pluies diluviennes, qui en montagne vous surprennent même en été, ne le feront pas se cambrer d’un iota.

Avril est arrivé. Soucieux, on lève les yeux vers le ciel. Un temps froid et sec à cette période de l’année, annoncerait la misère. Mais cette fois-ci, Avril est clément. On poursuit les semailles de printemps, on clôture les terrains cultivés, on organise les troupeaux et les moutons sont tondus avant la montée dans les montagnes. Enfin on rafistole les abris où le bétail s’abritera des chaleurs estivales et des pluies torrentielles.

Le Calendrier pastoral annonce l’approche de la «Sângiorz» (St George), et les jeunes garçons allument le «Feu Vivant» «Focul Viu» dans les maisons ou dans les bergeries où les animaux viendront paître tout au lond de l'été. Traditionnellement, du bois et un bout de champignon (ganoderme) «Iască» serviront à allumer le Feu Magique dont la fumée purifiera les animaux pour les protéger des malheurs et des «Strigoii» (revenants). Une vache, une brebis ou une chèvre qui ne donne plus de lait a peut-être été la victime d’un «strigoi» venu «lui voler son abondance» («a fure mana») !!! Durant toute la période estivale, le «Feu Vivant» sera entretenu avec soin et jamais il ne devra s’éteindre. Il répand dans son halo chance et protection: auprès de lui, rien de mauvais ne peut vous arriver. De ses précieuses cendres, certains bergers savent encore préparer des remèdes pour soigner les animaux mais aussi les hommes.

Depuis des millénaires, on célèbre, «Sângiorz» (calendirer religieux :Sf Georghe ), le 23 avril, un mois après l’équinoxe de printemps. Il est le détenteur des clefs du ciel qui en libérant le soleil fait venir l’été. Ce n’est qu’à cette date, les agneaux une fois sevrés, que les bergers partiront avec leurs troupeaux dans la montagne. Ils y resteront jusqu’à la fin de la saison, marquée par «Sâmedru » (calendrier religieux : Sf Dimitru), Saint patron de l’hiver pastoral, le 26 octobre. Chaque jour, il faut traire les animaux, administrer les soins nécessaires à leur bonne santé et préparer les produits laitiers à la «stână» (bergerie). Il ne faut pas négliger ces braves petits ovins et caprins, qui durant «l’été stérile» offrent aux hommes un rendement maximum.

Le soir venu, les bêtes rassemblées, restent sous l’œil attentif du vaillant «berger roumain des Carpates». Son propriétaire, s’autorisera peut-être à quitter un instant son mutisme légendaire et vous racontera comment son fidèle compagnon s’est une fois battu contre l’ours. Tous les chiens de garde l’ont au moins une fois croisé, à croire qu’il s’agit d’un critère de sélection pour la race ‘‘carpatine’’ !

La saison s’achève et le berger passe ses dernières nuits à la belle étoile. Au milieu des flammes cuisent les boules de polenta («bulzi») fourrées au fromage, de brebis, bien sûr. Un petit verre ou deux de «ţuică» aidera à faire passer le tout: les «bulzi» et la nuit.

Le jour à peine levé, la descente des troupeaux marquant la fin de l’été est déjà amorcée. Quand, après une bonne journée de marche, le berger atteint son village où tous les habitants se sont rassemblés pour l’accueillir, il n’est pas peu fier. Cependant, feignant l’indifférence, son regard reste droit et il mène ses animaux avec maestria. Cette année, les bêtes ont donné du lait en abondance et reviennent après leur saison au grand air dans une forme olympique. Bâton en main, sa peau de mouton sur l’épaule, son chapeau vissé sur la tête, vous le voyez arriver sur ses trois jambes. Dans ses yeux toujours plissés à force de guetter ses brebis, vous verrez luire encore les vertes pâtures, danser les grandes herbes, briller les nuits étoilées et scintiller le «Feu Vivant»: «Focul Viu».



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